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Quel intérêt y-a-t-il à vouloir jouer des quarts de tons à l'accordéon ? Ceci permet d'accéder à des repertoires orientaux, contemporains, ou bien à certaines gammes qui étaient employées traditionnellement en Bretagne. On peut aussi s'y intéresser juste par curiosité, pour créer du neuf.
Sur cette page sont présentées différentes approches pour tenter de mettre des quarts de tons sur un accordéon, et leurs insuffisances, pour finir par proposer un schéma qui répond à celles-ci, et qui s'appelle : "le rangement des kard'tons" !
"En haut" désigne la partie grave du clavier, près de la tête. "En bas" désigne la partie aigüe, près des jambes. Le ǂ représente le "demi-dièse", et le ␢ représente le "demi-bémol". Le doǂ se situe entre le do et le do#, soit un quart de ton au dessus du do. Le si␢ se situe entre le si et le sib, soit un quart de ton en dessous du si.
(normalement, les caractères s'affichent bien, mais j'ai constaté des rendus bizarres sur certains navigateurs, que je ne peux pas changer.)
Normalement, "quart de ton" désigne un intervalle entre deux notes, mais je l'emploie parfois dans un sens relaché pour désigner une note avec un demi-bémol ou un demi-dièse.
La principale difficulté pour caser des quarts de tons sur un clavier consiste en ce que ceci augmente considérablement le nombre de notes à disposer. La gamme chromatique possède douze demi-tons, si nous rajoutons une notes entre chacun de ceux-ci, nous en arrivons à 24 notes. Comment organiser rationnelement 24 notes sur un clavier d'accordéon ?
On peut être tenté de ne pas disposer tous les quarts de tons. Ainsi, on ne peut pas jouer dans toutes les tonalités, ou alors il fat avoir plusieurs instruments. C'est une approche possible qui se pratiquait déjà sans qu'il y ait besoin des quarts de tons pour cela. Dans ce cas, il suffit de prendre un clavier standard d'accordéon "diatonique", et de remplacer quelques notes (des altérations ou des doublons) par des quarts de tons. Il faut alors déterminer quelles games seront les plus employées. Puisqu'un accordéon diatonique est construit sur deux gammes principales, celles-ci seront privilégiées.
Par exemple, voici un modèle de clavier élaboré à partir du schéma Ctrl-Alt-Suppr.
Pour l'élaborer, je suis parti de quelques échelles courantes à tempérament inégal présentées par Erik Marchand (je sais qu'il y a quelques discussion à ce sujet, je n'entre pas dedans, c'est un outil pratique pour faire mes calculs, cela ne signifie pas que ces échelles sont des réalités figées). J'ai cherché les notes qui revenaient le plus souvent sur quelques échelles (rast, keryann, menez, berjelenn, bayati, mineur breton, majeur breton, majeur Poullaouen), en partant des notes do, ré, mi, fa, sol, la si (c'est à dire que je n'ai pas pris en compte les gammes dont la fondamentale est une altération ou une "demi-altération"). J'ai multiplié par deux les notes des gammes de rast et celles qui avaient le sol pour fondamentale : pour le rast, parce que c'est une gamme très fréquente, pour le sol, car l'instrument a pour tonalité de départ "sol/do". Ce modèle ne possède pas les 24 notes, il n'en a que 17 : les 7 les moins fréquentes (ré␢, mib, miǂ, sol␢, sol#, laǂ, siǂ) ont été virées, et les 7 les plus fréquentes (do, ré, mi, faǂ, sol, la, si) ont été doublées, pour que l'on puisse les trouver en poussé et en tiré.
Au final, pour chaque gamme, voici les tonalités dans lesquelles elles peuvent être jouées :
nom de l'échelle | possible sur ce clavier |
---|---|
rast | do, ré, mi, fa, sol, la |
keryann | do, ré, mi, sol, la |
menez | ré, mi, sol, la |
berjelenn | do, ré, sol, la |
bayati | ré, mi, sol, la, si |
mineur breton | ré, mi, fa, la |
majeur breton | do, ré, mi, fa, sol |
majeur Poullaouen | do, ré, fa, sol, la |
Mais ce modèle de clavier demeurera toujours incomplet. De plus, il n'a pas de logique propre et n'est qu'un bricolage à partir d'un clavier déjà existant. Nous pouvons tenter de concevoir un système qui comporterait toutes les notes.
Le principal problème d'un clavier complet provient du grand nombre de notes qu'il faut placer : 24. Si nous souhaitons garder la logique sur trois rangs, nous devons placer 8 notes par rang. Deux solutions sont possible.
Dans la première, on exploite la bisonorité de l'instrument, et on en place 4 en poussé et 4 en tiré sur chaque rang. C'est la solution des accordéons tunisiens.
Le principal avantage de cette solution est que les écarts restent réduits. De plus, il est possible de garder sa configuration d'origine dans un sens, et mettre tous les quarts de tons dans l'autre. Nous pouvons par exemple penser à un instrument qui aurait le clavier chromatique en poussé, et réhaussé d'un quart de ton en tiré
Nous pouvons aussi imaginer le clavier tiré de Ctrl-Alt-Suppr en tiré, et des quarts de tons en poussé. En poussé, on peut réhausser le clavier poussé de Ctrl-Alt-Suppr d'un quart de ton.
On peut aussi en réhausser le clavier tiré d'un quart de ton.
Mais, d'après les échos que j'ai eus, ce genre de clavier est très difficile à jouer. On ne peut pas faire de notes liées, pas d'intervalle entre une note de la gamme chromatique et un quart de ton,... Cela se comprend facilement : c'est la logique du poussé-tiré poussée à son extrême.
Une autre solution consiste à disposer les notes sur un clavier unisonore, et utiliser les alternances de progression pour réapprendre peu de choses.
Qu'est-ce que j'appelle du nom barbare d' "alternances de progression" ? Avant de comprendre cette idée, attachons-nous aux différentes progressions qui existent sur le clavier d'un accordéon chromatique (les appelations sont à confirmer) :
À chaque fois, on progresse d'un demi-ton, en changeant de rangée, puis, après avoir atteint les trois rangées, on retourne à la rangée de départ. Il y a donc à chaque fois un ton et demi d'écart entre deux notes consécutives sur une même rangée.
Or, que constatons-nous ? Que, quand on progresse d'un intervalle dans un sens, si l'on double l'intervalle, alors on progresse dans le sens inverse.
Si le clavier progresse à l'italienne par demi-tons, il progressera à la russe par tons.
Ceci est vrai aussi dans l'autre sens : si le clavier progresse à la russe par demi-tons, il progressera à l'italienne par tons.
Ainsi, si l'on joue du chromatique sur un système italien (le plus courant par chez nous), et que l'on souhaite garder la progression dans le sens italien à chaque demi-ton, il suffit de progression dans le sens russe par quart de ton. On peut alors garder la même manière de jouer, mais simplement en jouant une "rangée horizontale" sur deux (c'est un système à peu près similaire qu'a choisi Thierry Bénétoux pour son modèle "Amoriental").
Inversement, si l'on veut progresser en bayan par demi-ton, il suffit de disposer les notes en musette par quart de ton.
Avec le système français, la combine marche mal, car la diagonale est beaucoup plus élargie, mais notons toutefois que si nous progression en système français par quart de ton, alors nous progressons en musette par ton.
Toutefois, le gros défaut de ce système, quelle qu'en soit la logique de progression, reste qu'il prend 8 boutons pour faire une seule octave : ceci rend pratiquement impossible de jouer des de grands intervalles, de composer des accords, etc. De plus, sur un clavier de chromatique en 15X16X15 boutons, on n'aurait même pas deux octaves !
Repartons du début : nous devons placer 12 notes chromatiques et 12 quarts de tons sur 3 rangées. Si l'on souhaite les disposer sur 4 boutons par rangée, le système est trop bisonore et dur à jouer. Si on garde un système unisonore, les notes sont disposées sur 8 boutons par rangée, ce qui est beaucoup trop. Nous pouvons penser à un compromis avec certains boutons unisonores et d'autres bisonores, sur 6 boutons par rangée. Par exemple, les 12 notes de la gamme chromatique sont placées de manière unisonore sur les deux rangées les plus extérieures (12 notes / 2 rangées = 6 boutons par rangée), et les quarts de tons de manière bisonore sur la troisième (12 notes sur une rangée : 6 en poussé et 6 en tiré).
Ici, nous ne sommes plus dans la logique de placer huit notes par rangée. Nous en plaçons six sur chacune des deux rangées extérieures, et douze sur la rangée la plus intérieure.
Cette disposition offre de multiples avantages :
Un inconvénient cependant : il n'est pas possible de faire tous les intevalles entre quarts de tons, notamment entre ceux qui sont en poussé et ceux qui sont en tiré (par exemple, le réǂ et le laǂ, et toutes les quintes entre quarts de tons en général). Mais on ne peut pas tout avoir...
Ce schéma s'appelle "le rangement des kard'tons", car les quarts de tons sont rangés sur la troisième rangée. Sur les autres schémas, on tentait de les intégrer parmi les autres notes, ici on leur trouve une place à part.
Je n'ai pas encore pu tester ce schéma, lui aussi pour l'instant n'est encore qu'un "accordéon platonique", et il me reste quelques interrogations.
Pour ce qui est de la main gauche, sur le modèle que j'ai commandé à Marc Sérafini, j'utilise son système Darwin, que j'ai modifié légèrement. Au lieu d'avoir la quinte dans la rangée des accords (pas très intéressant harmoniquement, un "accord" qui n'est qu'une quinte !), j'aurai les fondamentales réhaussées d'un quart de ton. Du coup, le modèle possédant quatre rangées, il y en a soit quatre avec les demi-tons standards, soit, par un changement, de registres, deux de basses ou de notes, et deux avec les quarts de tons.
Un schéma valant mieux qu'un long discours, voici le plan du modèle que j'ai commandé à Marc Sérafini (en PDF), pour les mains droite et gauche. Voir aussi la présentation du Darwin pour comprendre comment fonctionne son système de registres main gauche.
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